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Avant Qu’il Ne Blesse
Blake Pierce


Un mystГЁre Mackenzie White #14
Voici le volume 14 de l’haletante série mystère Mackenzie White par Blake Pierce, l’auteur à succès de SANS LAISSER DE TRACES (bestseller nº1 ayant reçu plus de 1000 critiques à cinq étoiles).



AVANT QU’IL NE BLESSE est le quatorzième tome de la série mystère Mackenzie White, qui commence avec AVANT QU’IL NE TUE (Volume 1), un téléchargement gratuit avec plus de 600 critiques à cinq étoiles !



Dans l’Utah rural, des jeunes femmes, membres d'une commune de polygames fondamentalistes, sont retrouvées mortes. Mackenzie White parviendra-t-elle à pénétrer dans leurs rangs fermés pour découvrir qui pourrait vouloir leur mort ? Et pourra-t-elle se plonger dans l'esprit d’un tueur et l’arrêter avant qu'il ne soit trop tard ?



Un thriller psychologique sombre avec un suspense qui vous tiendra en haleine, AVANT QU’IL NE BLESSE est le volume 14 d’une fascinante nouvelle série, et d’un nouveau personnage, qui vous fera tourner les pages jusqu’aux heures tardives de la nuit.





Blake Pierce

AVANT QU’IL NE BLESSE




AVANT QU’IL NE BLESSE




(UN MYSTERE MACKENZIE WHITE – VOLUME 14)




B L A K EВ В  P I E R C E



Blake Pierce

Blake Pierce est l’auteur de la série à succès mystère RILEY PAIGE, qui comprend dix-sept volumes (pour l’instant). Black Pierce est également l’auteur de la série mystère MACKENZIE WHITE, comprenant quatorze volumes (pour l’instant) ; de la série mystère AVERY BLACK, comprenant six volumes ; et de la série mystère KERI LOCKE, comprenant cinq volumes ; de la série mystère LES ORIGINES DE RILEY PAIGE, comprenant six volumes (pour l’instant), de la série mystère KATE WISE comprenant sept volumes (pour l’instant) et de la série de mystère et suspense psychologique CHLOE FINE, comprenant six volumes (pour l’instant) ; de la série de suspense psychologique JESSE HUNT, comprenant sept volumes (pour l’instant), ; de la série de mystère et suspense psychologique LA FILLE AU PAIR, comprenant deux volumes (pour l’instant) ; et de la série de mystère ZOÉ PRIME, comprenant trois volumes (pour l’instant) ; de la nouvelle série de mystère ADÈLE SHARP et de la nouvelle série mystère VOYAGE EUROPÉEN.



Lecteur avide et admirateur de longue date des genres mystère et thriller, Blake aimerait connaître votre avis. N’hésitez pas à consulter son site www.blakepierceauthor.com afin d’en apprendre davantage et de rester en contact.



Copyright © 2020 par Blake Pierce. Tous droits réservés. Sous réserve de la loi américaine sur les droits d'auteur de 1976, aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, distribuée ou transmise sous quelque forme ou par quelque procédé que ce soit, ni enregistrée dans une base de données ou un système de récupération, sans l'accord préalable de l'auteur. Ce livre électronique est sous licence pour usage personnel uniquement. Ce livre électronique ne peut être ni revendu, ni donné à d'autres personnes. Si vous désirez partager ce livre avec quelqu'un, veuillez acheter une copie supplémentaire pour chaque bénéficiaire. Si vous lisez ce livre et ne l'avez pas acheté ou qu'il n'a pas été acheté pour votre usage personnel uniquement, veuillez le rendre et acheter votre propre copie. Merci de respecter le travail de l’auteur. Il s'agit d'une œuvre de fiction. Les noms, les personnages, les entreprises, les organisations, les endroits, les événements et les incidents sont soit le produit de l'imagination de l'auteur, soit utilisés de manière fictive. Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé est purement fortuite. Image de couverture Copyright Robsonphoto, utilisée sous licence en provenance de Shutterstock.com.



LIVRES PAR BLAKE PIERCE

LES MYSTГ€RES DE ADГ€LE SHARP

LAISSГ€ POUR MORT (Volume 1)

CONDAMNГ€ ГЂ FUIR (Volume 2)

CONDAMNГ€ ГЂ SE CACHER (Volume 3)



LA FILLE AU PAIR

PRESQUE DISPARUE (Livre 1)

PRESQUE PERDUE (Livre 2)

PRESQUE MORTE (Livre 3)



LES MYSTГ€RES DE ZOE PRIME

LE VISAGE DE LA MORT (Tome 1)

LE VISAGE DU MEURTRE (Tome 2)

LE VISAGE DE LA PEUR (Tome 3)



SÉRIE SUSPENSE PSYCHOLOGIQUE JESSIE HUNT

LA FEMME PARFAITE (Volume 1)

LE QUARTIER IDÉAL (Volume 2)

LA MAISON IDÉALE (Volume 3)

LE SOURIRE IDÉALE (Volume 4)

LE MENSONGE IDÉALE (Volume 5)

LE LOOK IDEAL (Volume 6)



SÉRIE SUSPENSE PSYCHOLOGIQUE CHLOE FINE

LA MAISON D’À CÔTÉ (Volume 1)

LE MENSONGE D’UN VOISIN (Volume 2)

VOIE SANS ISSUE (Volume 3)

LE VOISIN SILENCIEUX (Volume 4)

DE RETOUR ГЂ LA MAISON (Volume 5)

VITRES TEINTÉES (Volume 6)



SÉRIE MYSTÈRE KATE WISE

SI ELLE SAVAIT (Volume 1)

SI ELLE VOYAIT (Volume 2)

SI ELLE COURAIT (Volume 3)

SI ELLE SE CACHAIT (Volume 4)

SI ELLE S’ENFUYAIT (Volume 5)

SI ELLE CRAIGNAIT (Volume 6)

SI ELLE ENTENDAIT (Volume 7)



LES ORIGINES DE RILEY PAIGE

SOUS SURVEILLANCE (Tome 1)

ATTENDRE (Tome 2)

PIEGE MORTEL (Tome 3)

ESCAPADE MEURTRIERE (Tome 4)

LA TRAQUE (Tome 5)



LES ENQUГЉTES DE RILEY PAIGE

SANS LAISSER DE TRACES (Tome 1)

RÉACTION EN CHAÎNE (Tome 2)

LA QUEUE ENTRE LES JAMBES (Tome 3)

LES PENDULES À L’HEURE (Tome 4)

QUI VA ГЂ LA CHASSE (Tome 5)

À VOTRE SANTÉ (Tome 6)

DE SAC ET DE CORDE (Tome 7)

UN PLAT QUI SE MANGE FROID (Tome 8)

SANS COUP FÉRIR (Tome 9)

ГЂ TOUT JAMAIS (Tome 10)

LE GRAIN DE SABLE (Tome 11)

LE TRAIN EN MARCHE (Tome 12)

PIÉGÉE (Tome 13)

LE RÉVEIL (Tome 14)

BANNI (Tome 15)

MANQUE (Tome 16)

CHOISI (Tome 17)



UNE NOUVELLE DE LA SÉRIE RILEY PAIGE

RÉSOLU



SÉRIE MYSTÈRE MACKENZIE WHITE

AVANT QU’IL NE TUE (Volume 1)

AVANT QU’IL NE VOIE (Volume 2)

AVANT QU’IL NE CONVOITE (Volume 3)

AVANT QU’IL NE PRENNE (Volume 4)

AVANT QU’IL N’AIT BESOIN (Volume 5)

AVANT QU’IL NE RESSENTE (Volume 6)

AVANT QU’IL NE PÈCHE (Volume 7)

AVANT QU’IL NE CHASSE (Volume 8)

AVANT QU’IL NE TRAQUE (Volume 9)

AVANT QU’IL NE LANGUISSE (Volume 10)

AVANT QU’IL NE FAILLISSE (Volume 11)

AVANT QU’IL NE JALOUSE (Volume 12)

AVANT QU’IL NE HARCÈLE (Volume 13)

AVANT QU’IL NE BLESSE (Volume 14)



LES ENQUÊTES D’AVERY BLACK

RAISON DE TUER (Tome 1)

RAISON DE COURIR (Tome2)

RAISON DE SE CACHER (Tome 3)

RAISON DE CRAINDRE (Tome 4)

RAISON DE SAUVER (Tome 5)

RAISON DE REDOUTER (Tome 6)



LES ENQUETES DE KERI LOCKE

UN MAUVAIS PRESSENTIMENT (Tome 1)

DE MAUVAIS AUGURE (Tome 2)

L’OMBRE DU MAL (Tome 3)

JEUX MACABRES (Tome 4)

LUEUR D’ESPOIR (Tome 5)




CHAPITRE UN


Elle trébuchait presque à chaque pas, ses pieds glissant dans ses sandales à bouts ouverts tandis qu’elle courait à travers le champ détrempé. Il faisait nuit à présent et de fines nappes de condensation recouvraient le sol, là où le crachin de l’après-midi était tombé. Cela ne semblait pas grand-chose, mais elle ne put s’empêcher de se demander si cette légère humidité au fond de ses sandales n’allait pas être responsable de sa mort.

Ils l’avaient retrouvée. Elle ne savait absolument pas comment mais c’était bien le cas.

La seule chance qu’elle avait d’être toujours vivante après cette nuit était de parvenir jusqu’à Amy. D’après ses estimations, il lui restait encore trois kilomètres à parcourir. Si elle réussissait à traverser cet horrible champ détrempé, le quartier où habitait Amy ne serait plus qu’à trois kilomètres de distance.

Agacée à force de glisser et trébucher, elle s’arrêta le temps de retirer ses sandales. Si elle avait eu davantage de temps pour se préparer, elle aurait mis ses baskets, mais tout était arrivé si vite…

Elle tint ses chaussures dans sa main droite et reprit sa course. Ce fut un peu plus facile, même si ses pieds délicats se mirent aussitôt à ne pas apprécier la terre dure en dessous de l’herbe. Elle ne tint pas compte de la douleur et continua de filer aussi vite qu’elle le pouvait. Il fallait qu’elle parvienne jusqu’à Amy.

Elle jeta un coup d’œil derrière elle, apercevant uniquement la forme vacillante de la forêt – des arbres montant et retombant dans l’obscurité comme en un étrange graphique. Si quelqu’un la suivait, elle ne pouvait pas le ou les voir. Elle n’était pas naïve au point de croire qu’ils n’étaient pas à sa poursuite, ceci dit. Quelqu’un était certainement lancé à sa recherche afin de s’assurer qu’elle ne raconte rien à personne.

Le champ s’interrompit abruptement et d’un seul coup, elle se retrouva à franchir d’un bond un fossé pour se retrouver sur une route à deux voies. Lorsqu’elle atterrit sur la chaussée, elle dérapa légèrement, le bitume mordant ses talons. Elle regarda à sa droite et vit la lueur de lampadaires au loin. Amy se trouvait là-bas, quelque part au milieu de toutes ces lumières. Avoir conscience de cela fit s’actionner ses jambes, même si ces dernières criaient de douleur à cause des nombreux kilomètres qu’elle avait déjà parcouru à travers les champs et la forêt pour arriver jusque-là.

Elle courut le long de la route, estimant qu’il devait y avoir un peu plus d’un kilomètre entre elle et ces lumières éclatantes. Elle pensa à son téléphone portable, perdu quelque part là-bas dans la forêt, et se dit à quel point il aurait été facile de simplement passer un appel. Elle en aurait crié de frustration.

Tout en courant, elle s’autorisa à pleurer. Elle courut et pleura, inspirant profondément au fond de ses poumons pour reprendre sa respiration.

Elle finit par arriver jusqu’au quartier résidentiel. Ses jambes devinrent molles comme de la gelée et elle était tellement à bout de souffle qu’elle vit de minuscules éclats noirs dans son champ de vision. Mais ce n’était pas grave car elle était enfin arrivée à destination. Elle allait retrouver Amy. Celle-ci saurait quoi faire. Elle ne savait même pas si cela valait la peine de contacter la police, mais peut-être que cela n’aurait pas d’importance. Tout ce qu’elle avait à faire, c’était de retrouver Amy. Cette seule pensée la soulagea.

Elle commença presque à prononcer le nom d’Amy en arrivant aux abords de sa maison. Il ne lui restait plus que quatre ou cinq maisons à descendre et elle serait en sécurité. La lumière des lampadaires était plutôt tamisée à cause de la brume due à la récente pluie, et tout le quartier semblait tout droit sorti d’un film d’horreur. La maison d’Amy se trouvait cependant quelque part plus haut, tel un phare.

Elle était si attentive aux formes des maisons qu’elle ne perçut pas le ronronnement d’un moteur derrière elle. Lorsqu’elle finit par entendre la voiture, elle regarda par-dessus son épaule. Lorsqu’elle la vit foncer vers elle avec ses phares éteints, elle tenta de virer à toute vitesse à sa droite mais sans que cela ne serve à grand-chose

La voiture la percuta durement sur son flanc droit. Tout s’engourdit un instant tandis qu’elle faisait un demi-tonneau sur elle-même à un mètre dans les airs. Mais la douleur la frappa de plein fouet lorsqu’elle retomba sur le pavé. Sa tête heurta la route et tout l’univers devint majoritairement noir.

C’est pour cela qu’elle fut incapable de voir le visage de la silhouette qui gara la voiture en plein milieu de la rue, en sortit puis s’avança vers elle avec un couteau.

Elle eut conscience que l’homme lui tranchait la gorge, mais la douleur dans sa tête et son dos réussit par chance à masquer cette souffrance-là.

La vie s’échappa d’elle tandis que le tueur regagnait sa voiture.

Celle-ci et l’homme étaient tous deux partis lorsqu’elle expira son dernier souffle sur la route détrempée par la pluie.




CHAPITRE DEUX


L’appartement sentait le citron et le romarin tandis que le dîner cuisait sur le fourneau, la première bouteille de vin avait été ouverte et Spotify jouait un morceau du groupe The Cure. N’importe quel visiteur entrant là aurait cru que Mackenzie White passait un excellent après-midi. Mais ce qu’ils n’auraient pas vu, c’était la lutte intérieure et l’anxiété qui rongeaient ses nerfs et perturbaient son estomac.

Le poulet était cuit et les asperges étaient au four. Mackenzie sirota une gorgée de vin rouge dans son verre, essayant de trouver quelque chose à faire. Ellington était par terre dans le salon avec Kevin en train de lui lire un livre. Il leva la tête vers elle et roula des yeux. Quand il arriva à un passage approprié pour s’arrêter – au moment où le Petit Chiot Maladroit se glissait une nouvelle fois sous la clôture – il souleva Kevin sans ses bras et entra dans la cuisine.

« C’est simplement ta mère, dit-il. Tu te conduis comme si on s’apprêtait à recevoir la visite du fisc ou un truc comme ça.

– Tu ne l’as pas encore rencontrée, dit Mackenzie.

– Elle te ressemble ?

– En dehors de toute cette histoire d’abandon, plutôt, oui.

– Alors je suis sûr que c’est quelqu’un de bien. Dis-moi juste à quel point je dois déployer tout mon charme.

– Pas beaucoup. Elle ne comprendrait pas tes plaisanteries.

– Je retire ce que j’ai dit alors, dit Ellington. Je déteste déjà cette femme. » Il embrassa Kevin sur le front et haussa les épaules. « Mais elle a le droit de voir son petit fils. Tu n’es pas du tout heureuse qu’elle souhaite s’impliquer auprès de lui ?

– Je souhaite l’être. Mais c’est dur pour moi de lui faire confiance.

– Je comprends, dit Ellington. Je n’éprouve pas non plus un grand réconfort lorsque je pense à ma mère.

– Oui, mais au moins elle s’est manifestée quand tu es devenu parent, n’est-ce pas ?

– Ca en effet. Mais il ne faut pas croire que c’est une bonne chose. Il faudra peut-être des années avant qu’on ne réalise l’impact traumatique que cela a eu sur Kevin.

– Je ne plaisante pas à ce sujet, Elli. Cette femme est toxique. Elle est juste… »

Elle traîna sur les mots, ne sachant trop comment terminer sa phrase. Elle était juste quoi ? Egoïste aurait été le terme approprié. Immature un autre. Cette femme s’était pour l’essentiel renfermée sur elle-même après que son mari avait été tué. A cause de cela, Mackenzie et sa sœur s’étaient retrouvées sans aucune figure maternelle.

« Elle est ta mère, dit Ellington. Et j’ai très hâte de la rencontrer.

– Je te rappellerai tes paroles lorsqu’elle sera là depuis une heure. »

Ils échangèrent un baiser puis Ellington retourna au salon pour poursuivre la lecture des mésaventures du Petit Chiot Maladroit. Mackenzie écouta tout en sirotant de nouveau son vin et en commençant à mettre la table. Elle jeta un œil à la pendule, remarquant qu’il ne restait plus que six minutes avant l’heure où sa mère devait arriver. Elle devait admettre que le dîner sentait délicieusement bon et que Kevin avait l’air plus adorable que jamais. Il commençait à devenir bien trop âgé à son goût. Il se redressait sur lui-même et gigotait vers l’avant : ils s’attendaient vraiment à ce qu’il fasse son premier pas d’un jour à l’autre à présent.

Cela lui rappela bien à quel point cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas vu sa mère. Son fils s’apprêtait aujourd’hui à marcher et sa mère n’avait pas…

Un coup à la porte interrompit ses pensées. Elle regarda Ellington d’un air effrayé auquel il répondit par un sourire avant de soulever Kevin dans ses bras et de tendre sa main libre vers elle. Cela faisait environ une semaine qu’on lui avait retiré son plâtre dû à ses précédentes blessures, cela faisait du bien de le voir capable de se servir sans gêne de ses deux bras.

Elle prit sa main et il l’attira vers lui. « Tu es capable d’arrêter les personnes les plus violentes que la société a à fournir, lui rappela-t-il. Tu peux sûrement traverser cette épreuve-ci. »

Elle acquiesça et ils se dirigèrent ensemble vers la porte. Lorsqu’ils ouvrirent, Mackenzie prit un instant pour rassembler ses esprits.

Sa mère avait l’air magnifique. Elle avait pris soin d’elle au cours des derniers mois qui s’étaient écoulés depuis qu’elle l’avait vue. Mackenzie se dit que cela faisait peut-être quasiment un an à présent, mais sans en être tout à fait sûre. Elle semblait en bonne santé et même, heureuse. Elle était bien coiffée et paraissait peut-être dix ans plus jeune que son âge réel, cinquante-trois ans.

« Bonjour Maman, dit Mackenzie. Tu es superbe.

– Toi aussi. » Elle regarda derrière Mackenzie en direction d’Ellington qui portait Kevin. « Excusez-moi, dit-elle. Nous n’avons pas encore officiellement fait connaissance. »

Voir Ellington et sa mère se serrer la main parut plus que surréel. Et lorsque Mackenzie vit Kevin observer la femme inconnue sur le pas de la porte, son cœur se serra quelque peu. Elle avait invité sa mère à venir n’importe quand il y avait un peu moins d’un an auparavant, lorsqu’elle était allée dans le Nebraska pour lui annoncer qu’elle était désormais grand-mère. Et il lui avait fallu tout ce temps pour la prendre au mot. Il fallait cependant lui accorder le fait qu’elle avait décliné la proposition de Mackenzie de lui payer son billet d’avion.

« Entre, Maman » dit Mackenzie.

Patricia White entra dans l’appartement de sa fille comme si elle pénétrait dans une sorte de cathédrale – avec respect et révérence. Dès que la porte se fut refermée derrière elle, elle regarda Kevin puis, des larmes dans les yeux, de nouveau Mackenzie.

« Je peux le prendre ?

– Tu es sa grand-mère, dit Mackenzie. Bien sûr que tu peux. »

Lorsqu’Ellington lui tendit Kevin, il le fit sans aucune hésitation. Il observa l’expression emplie d’admiration et de gratitude de sa belle-mère avec une extrême attention, tout comme Mackenzie. Même si cette dernière était heureuse de voir sa mère tenir Kevin dans ses bras, il y avait assurément quelque chose d’irréel dans tout cela.

« Il te ressemble tout à fait, dit Patricia à sa fille.

– C’est une bonne chose » dit Ellington avec un léger rire.

Mackenzie conduisit sa mère plus loin dans l’appartement pour l’amener jusqu’au salon. Ils s’assirent tous, Mackenzie et Ellington échangeant un regard au-dessus de la tête de Patricia tandis qu’ils s’installaient confortablement. Ellington la regarda d’une façon qui signifiait je-te-l’avais-bien-dit, qu’elle lui retourna avec une grimace.

« Tu n’as pas déjà pris une chambre à l’hôtel, n’est-ce pas ? demanda Mackenzie.

– Si. J’y ai déjà déposé mes bagages. » Elle ne détourna pas ses yeux de Kevin tout en parlant. Mackenzie n’était pas certaine d’avoir jamais vu sa mère afficher un aussi large sourire de toute sa vie.

« Tu n’étais pas obligée de faire ça, Maman. Je t’avais dit que tu étais la bienvenue pour loger ici.

– Je sais, dit-elle, détachant enfin le regard de son petit-fils tout en le faisant rebondir sur ses genoux. Mais vous êtes tous deux très occupés par votre travail et je ne veux pas être une gêne. En plus, j’ai un jacuzzi dans ma chambre pour ce soir, et je compte me promener un peu demain. Je n’ai jamais été à Washington auparavant, alors… »

Elle s’interrompit là, comme si cela mettait un terme à toute leur discussion. Et en ce qui concernait Mackenzie, c’était bel et bien le cas.

« Eh bien, le dîner va bientôt être prêt, dit Mackenzie. D’ici quelques minutes. La table est déjà mise si jamais on souhaite déjà s’installer. »

C’est exactement ce qu’ils firent. Patricia prenant Kevin avec elle tandis qu’Ellington déplaçait la chaise haute du petit garçon au bord de la table du dîner. Tandis qu’ils prenaient place, Ellington versa du vin pour lui-même et Patricia tandis que Mackenzie apportait les plats au fur et à mesure. Elle avait toujours eu un don pour la cuisine même si elle devait s’en tenir à des choses simples. Pour ce soir, elle avait prévu un plat simple à quatre ingrédients, un poulet au citron et romarin avec des asperges et des pommes de terre. Patricia le regarda comme si cela la surprenait également.

« Tu sais cuisiner ? demanda-t-elle.

– Un peu, je ne suis pas très douée.

– Elle est trop modeste, dit Ellington.

– Elle l’a toujours été. »

Et c’est ainsi que le dîner commença. La conversation fut un peu gauche mais sans être pénible. Ellington parla la majeure partie du temps, laissant Patricia en apprendre davantage à son sujet : où il avait grandi, depuis combien de temps il était agent du FBI, ainsi que sa propre version décrivant la façon dont avait débuté sa relation avec sa fille. Mackenzie fut également surprise de constater à quel point cela compta pour elle lorsque sa mère la complimenta sur sa cuisine. Pendant tout ce temps, Kevin resta assis sur sa chaise haute, mangeant les petits morceaux de poulet que Mackenzie avait coupés pour lui. Il commençait vraiment à savoir manger en se servant de ses mains, même si une bonne partie de la nourriture finissait encore par terre.

Lorsque tout le monde eut terminé son assiette et que la bouteille de vin fut vide, Mackenzie comprit que la probabilité était forte pour que ne se produise pas le désastre qu’elle avait craint. Une fois le dîner achevé, Ellington débarbouilla Kevin et lui donna quelques cuillerées de yaourt avant de débarrasser la table. Mackenzie s’assit en face de sa mère tandis que de la cuisine, on pouvait entendre Ellington en train de remplir le lave-vaisselle.

« Je suppose que tu n’as pas parlé à ta sœur récemment ? dit Patricia.

– Non. La dernière fois qu’on a parlé ensemble, tu m’as dit qu’elle était à Los Angeles, c’est ça ?

– Oui. Et si ça a changé, elle ne m’a pas appelée pour m’en parler. Je te jure, on dirait qu’elle est devenue encore plus distante après que tu te sois occupé de l’affaire concernant votre père. Je n’ai jamais compris comment elle… »

Elle fut interrompue par un coup frappé à la porte de l’appartement… ce qui était curieux puisqu’il était rare qu’Ellington et Mackenzie reçoive la visite de quelqu’un.

« Chérie, tu as entendu ?  appela Ellington de la cuisine. Je suis en pleine vaisselle.

– Une seconde, Maman » dit Mackenzie en se levant de table. En passant, elle pinça légèrement le nez de Kevin pour le taquiner. Elle était surprise que tout se passe aussi bien. Elle aurait même pu aller jusqu’à dire qu’elle appréciait la visite de sa mère. La soirée se déroulait remarquablement bien.

Elle alla ouvrir la porte, d’une démarche quelque peu sautillante. Cependant lorsqu’elle ouvrit, son humeur joyeuse cessa d’un coup et le monde réel lui revint en pleine figure.

« Bonjour Mackenzie » dit la femme à la porte.

Mackenzie essaya de sourire d’un air artificiel qui ne lui allait pas bien. « Hé, Ellington, appela-t-elle par-dessus son épaule. Ta mère est ici. »




CHAPITRE TROIS


Mackenzie n’avait honnêtement rien contre Frances Ellington. Elle lui avait été vraiment utile lorsque Mackenzie était retournée au travail et qu’elle était venue s’occuper de Kevin pour eux. Cela ne faisait pas non plus de mal que Kevin adore tellement sa grand-mère Ellington. Mais l’idée que les deux grands-mères se trouvent au même endroit au même moment était incroyablement perturbant. Mackenzie se dit qu’elle connaissait suffisamment les deux femmes pour savoir que c’était comme d’approcher une allumette enflammée près d’un baril d’essence.

Lentement, timidement, Mackenzie conduisit Frances au salon. Dès l’instant où Kevin l’aperçut, son visage s’éclaira et il tendit ses bras en avant. Derrière eux, Ellington entra dans la pièce, une expression abasourdi sur le visage.

« Maman… que fais-tu ici ?

– J’étais dans le quartier et je me suis dit que j’allais m’arrêter pour vous emmener dîner quelque part, mais on dirait que je viens un peu tard.

– Tu l’aurais su si tu avais téléphoné. »

Frances ignora la remarque de son fils, repéra Patricia assise à la table et lui fit un large sourire. « Mon nom est Patricia Ellington, au fait.

– Et je m’appelle Patricia White, dit Patricia. Je suis ravie de vous rencontrer. »

Il y eut un silence empli de tension que tout le monde put ressentir. On aurait dit que même Kevin était interloqué, il regardait tout autour dans la pièce pour voir si quelque chose n’allait pas. Ses yeux finirent par se poser sur Mackenzie et elle lui fit un grand sourire, ce qui sembla résoudre la question pour lui.

« Eh bien, si nous comptons tous rester ici, je ferais aussi bien d’apporter le dessert, dit Ellington. Ce n’est pas grand-chose, juste un gâteau à la crème glacée qui m’a interpellé quand je l’ai vu à l’épicerie hier.

– Ca me paraît très bien, dit Frances en prenant place sur la chaise à côté de Kevin. Celui-ci lui porta alors toute son attention, oubliant complètement sa nouvelle grand-mère.

« Frances le garde de temps en temps » expliqua Mackenzie à sa mère. Elle espérait que cette simple phrase était bien choisie parce qu’à l’oreille de Mackenzie, cela sonnait presque comme une accusation. Elle le garde de temps en temps parce qu’elle a choisi de faire partie de sa vie depuis le début. Voilà comment cela sonnait pour Mackenzie.

Ellington apporta le gâteau et entreprit de le couper. Lorsqu’il en donna une petite tranche à Kevin, celui-ci réagit aussitôt en y enfonçant ses mains avec un gloussement. Cela provoqua un rire chez ses deux grands-mères, ce qui, en retour, entraîna Kevin à s’attaquer une seconde fois au gâteau.

« Dites, attendez, dit Patricia. N’est-il pas un peu jeune pour un gâteau comme ça ?

– Non, dit Mackenzie. Kevin adore la crème glacée.

– Je ne me rappelle pas t’avoir jamais donné de la glace aussi jeune. »

Mackenzie eut cette pensée qu’elle n’osa dire à voix haute : Ca m’étonne que tu te rappelles de quoi que ce soit de mon enfance.

« Oh oui, dit Frances. Il aime en particulier la glace à la fraise. Mais pas au chocolat. Vous devriez voir l’air horrifié que prend cet enfant quand il goûte à n’importe quoi de chocolaté. »

Mackenzie observa le visage de sa mère et y vit l’ombre de la femme qu’elle avait autrefois été. On y lisait de la déception ainsi que de l’embarras. Elle commença aussitôt à se redresser, adoptant une posture défensive et Mackenzie sut immédiatement que les choses allaient s’envenimer s’ils continuaient sur cette voie.

« Mais ne t’inquiètes pas, Maman, dit Mackenzie. Il mange énormément d’aliments sains également.

– Je ne mettais pas ça en doute. J’étais simplement… curieuse. Ca fait un moment depuis que j’ai élevé un enfant…

– N’est-ce pas étrange ? dit Frances. On croit qu’on en a terminé avec la magie d’élever ses enfants quand ils quittent la maison et puis… bam ! On devient grand-parent.

– C’est le cas, je suppose » dit Patricia en regardant Kevin. Elle tendit une main dont il se saisit, barbouillant son index de glace à la vanille.

« Comme vous pouvez le voir, dit Frances, il est plutôt partageur également. »

Patricia rit devant cette remarque, un son qui lui valut un grand sourire de la part de Kevin. Mackenzie put voir des larmes dans les yeux de sa mère même si elle continuait de rire en même temps. Et au moment où son rire eut atteint son paroxysme, Kevin gloussait avec elle comme s’ils venaient de partager une plaisanterie rien qu’entre eux.

« Je suppose qu’il tient son sens de l’humour du côté de votre famille, dit Frances. Dieu sait que mes enfants n’ont jamais été très portés à la plaisanterie.

– Hé, dit Ellington. Il y a beaucoup de gens qui me trouvent drôle ! Pas vrai, Mac ?

– Je ne sais pas, dit-elle. J’ai déjà rencontré l’un d’eux ? »

Il roula des yeux vers elle tandis que leurs mères riaient à leurs dépens. Kevin se joignit de nouveau à elles, continuant d’enfoncer ses mains dans le gâteau à la crème glacée avant d’en fourrer une partie dans sa bouche.

On dirait la quatrième dimension, pensa Mackenzie en voyant tout cet échange se dérouler. Leurs mères s’entendaient bien en fait. Et ce n’était pas forcé. D’accord, cela n’avait duré que quelques instants mais quelque chose là-dedans avait paru naturel. Quelque chose qui – mon dieu – lui paraissait bien.

Elle était sûre d’être en train de les fixer mais ne pouvait s’en empêcher. Et il est impossible de dire combien de temps elle aurait continué à faire ça si le téléphone n’avait pas sonné pour l’interrompre. Elle bondit sur cette occasion de s’éloigner de la table, se précipitant vers son téléphone posé sur le comptoir de la cuisine sans même se demander qui cela pouvait bien être.

Tout cela changea lorsqu’elle vit le nom de son patron, McGrath, sur l’écran d’appel. Il était plus de cinq heures de l’après-midi et à chaque fois que McGrath appelait à une heure pareille, cela signifiait généralement qu’elle allait avoir quelques journées bien chargées. Elle prit son téléphone et regarda en direction du vestibule et jusqu’à la salle à manger, espérant croiser le regard d’Ellington. Mais il était en train de discuter avec sa mère et d’enlever de la glace sur le visage et les mains de Kevin.

« Agent White à l’appareil, répondit-elle.

– Bonjour White. » La voix de McGrath était lugubre comme toujours. Il était difficile de jauger son humeur rien qu’avec ces deux mots. « Je crois que j’ai une affaire qui pourrait vous convenir comme un gant. Mais il s’agit plutôt d’une urgence. J’ai besoin que vous soyez prête ce soir et que vous soyez dans l’avion très tôt demain matin, direction l’Utah.

– Cela me convient mais pourquoi les agents de là-bas ne s’en chargent-ils pas ?

– Les circonstances sont particulières, je vous expliquerai ça quand vous serez dans mon bureau. Dans combien de temps Ellington et vous pouvez être ici ? »

Elle fut un peu déçue d’elle-même d’être si soulagée d’avoir une telle porte de sortie – une excuse valable pour s’éloigner de toute cette étrange atmosphère entre sa mère et Frances.

« Très rapidement en fait, dit-elle. Nous avons en quelque sorte une baby-sitter à domicile pour le moment.

– Excellent. Dans une demi-heure, ça vous va ?

– C’est parfait » dit-elle. Elle mit fin à l’appel puis, fixant toujours des yeux la salle à manger en essayant de donner du sens à tout cela, appela : « Hé, Ellington ? Tu peux venir une seconde ? »

Ce fut peut-être le ton de sa voix ou bien la simple déduction que personne ne leur téléphonait jamais si ce n’est les gens avec qui ils travaillaient mais Ellington vint aussitôt, un sourire plein d’expectative sur le visage.

« Le boulot ? demanda-t-il.

– Oui.

– Super, dit Ellington. Parce que franchement, quoiqu’il soit en train de se dérouler ici, c’est fichtrement bizarre.

– Je sais, hein ? »

Alors, comme pour leur donner raison, leurs deux mères rirent à propos de quelque chose dans la salle à manger, suivies par l’éclat de rire joyeux de leur fils.




CHAPITRE QUATRE


Même si cela faisait bizarre de laisser Kevin avec ses deux grands-mères, Mackenzie ne put nier que cela lui fit chaud au cœur de savoir que sa mère allait enfin passer un moment privilégié avec son fils. Sa seule crainte était que le côté entêté et plutôt égoïste de sa mère ne fasse surface et qu’elle ne se braque lorsqu’elle s’apercevrait que Kevin et Frances avaient établi un lien entre eux. Elle était stupéfaite de n’avoir aucune inquiétude à ce sujet tandis qu’Ellington et elle se frayaient un chemin le long des couloirs vides du quartier général du FBI jusqu’au bureau de McGrath.

Quand ils entrèrent, il était clair qu’il était en train de terminer sa journée. Il disposait quelques dossiers dans son attaché-case et paraissait plutôt de bonne humeur.

« Merci d’être venu aussi rapidement, dit-il.

– Aucun problème, dit Ellington. En fait, vous nous avez rendu service d’une certaine façon.

– Vraiment ?

– Des histoires de famille, dit Mackenzie.

– Pas mes affaires donc. Alors je serais bref et concis. Nous avons une femme morte là-bas, dans l’Utah. Le FBI a été contacté à ce sujet parce que selon les autorités locales, cette femme n’a aucune identité. Pas de papiers, pas de numéro de sécurité sociale, d’acte de naissance, aucune adresse connue, rien.

– Et pourquoi appeler des agents de Washington pour se charger de ça plutôt que ceux déjà sur le terrain à Salt Lake City ? demanda Mackenzie.

– Je ne connais pas tous les détails mais le service du FBI là-bas est un peu dans le pétrin. A cause de précédents problèmes dans le secteur concernant la protection de certains individus, la branche de Salt Lake City doit faire extrêmement attention à la façon dont ils gèrent des enquêtes là-bas.

– C’est plutôt vague, dit Ellington.

– Eh bien, c’est tout ce que je peux vous dire pour l’instant. Je peux aussi ajouter qu’il y a eu un conflit d’intérêt qui s’est réglé au tribunal, et qu’il a finalement été démontré que le FBI était dans son tort. Les chefs de la branche de Salt Lake City nous ont donc contactés aujourd’hui pour voir si on pouvait faire venir là-bas quelques agents de Washington afin de travailler en toute discrétion sur l’affaire. Et vu la nature du meurtre, on dirait que c’est quelque chose dont vous allez tous deux vous charger plutôt facilement. Allez là-bas, découvrez qui elle est et qui l’a tuée. Et pourquoi. Puis donnez les infos à la police locale et rentrez à la maison.

– Et quelle est la nature du meurtre ? demanda Ellington.

– Je vais vous faire envoyer l’ensemble du rapport par email. Mais il semble que cette jeune femme courait pour fuir quelqu’un, tard dans la nuit. Notre hypothèse est que pendant qu’elle courait, elle a été percutée par un véhicule puis qu’on lui a tranché la gorge. Il y avait aussi un morceau de scotch en travers de sa bouche mais le légiste pense que cela a été mis là après sa mort. »

Mackenzie se dit que cela Г©tait tout Г  fait dans leurs cordes. Elle ne savait trop quoi penser de cela.

« Quand avez-vous besoin que nous soyons là-bas ? demanda Ellington.

– Il y a un vol réservé pour vous deux à cinq heures quinze demain matin. Je souhaite que vous preniez cet avion et que vous ayez examiné la scène du crime d’ici demain midi. Je sais que faire garder son enfant peut poser problème avec une affaire comme celle-ci mais…

– Pour une fois, je pense que cela peut être arrangé, dit Ellington.

– Attendez. Je ne sais pas si…

– C’est en rapport avec vos histoires de famille ? » demanda McGrath. Il avait fini de ranger ses affaires et regardait vers la porte avec envie.

« En effet, monsieur.

– Comme j’ai dit, alors, pas mes affaires. Si vous avez un souci pour faire garder votre enfant et qu’un seul de vous peut partir, faites-le-moi savoir. »

Sur ce, il les reconduisit Г  la porte.


***

« Je vais le dire simplement, dit Mackenzie en revenant à leur appartement. Je n’étais pas tout à fait à l’aise que ta mère garde Kevin la dernière fois qu’on a été sur une affaire. Quelques heures ici et là, pas de soucis, ça me va. Mais plusieurs jours…

– Oh, je suis d’accord avec toi sur ça. Mais si on doit parler franchement, l’idée de la laisser avec ta mère pour quelques jours ne me rassure pas vraiment non plus.

– Oh mon dieu, non.

– Si ça t’embête que ma mère le garde, alors je peux être un mari dévoué et juste rester ici. On dirait que le boulot va être plutôt basique là-bas et…

– Non. McGrath nous a véritablement demandé à tous deux de nous en charger. En tant qu’équipe. Il y a trois mois, il pensait que nous associer était une mauvaise idée, alors on a dû faire quelque chose de bien. S’il nous laisse cette chance, je pense qu’on devrait la prendre.

– Je suis d’accord, dit Ellington.

– Alors que fait-on ? »

Ils restèrent silencieux un instant mais ensuite Ellington reprit la parole. Quand il le fit, ce fut en parlant lentement, comme pour s’assurer que chacun de ses mots soient justes. « Quelle est la probabilité pour qu’elles se trouvent ici au même moment ? dit-il. Vraiment, réfléchis-y. Les chances étaient vraiment minces. Et si aucun de nous ne leur fait confiance individuellement…

– Tu veux dire que tu veux qu’elles le gardent ensemble ?

– Ca pourrait fonctionner. Tu as vu comment elles s’entendaient. Et mon dieu, Kevin avait l’air d’être au paradis des grands-mères.

– Ta mère n’en sera pas offensée ? demanda-t-elle.

– J’en doute. Et la tienne ?

– Non. Bon sang, elle sera flattée que je lui demande une chose pareille. Tu as vu l’expression sur son visage quand je lui ai dit que toi et moi devions nous rendre à une brève réunion et qu’on leur faisait confiance pour le surveiller ?

– Oui j’ai vu. » Il réfléchit à cela un instant tandis qu’ils arrivaient à l’intersection où il leur fallait tourner à gauche pour regagner leur appartement. « Alors… si l’endroit n’a pas été incendié à notre retour, est-ce qu’on a envie de leur demander à toutes les deux ? »

Mackenzie ne paniqua qu’un bref moment à cette idée. Elle se souvint de la courte visite qu’elle avait faite à sa mère il y a quelques mois. De la façon dont sa mère avait finalement repris pied, agissant de manière responsable. Peut-être que sa visite là-bas, ainsi que son désir de voir son petit-fils constituaient un tournant décisif. Et si Mackenzie pouvait s’assurer que sa mère continue d’avancer dans la bonne direction, n’en allait-il pas de sa responsabilité en tant que fille de faire en sorte que cela se produise ? Sûrement, quelques jours passés en compagnie de son petit-fils de treize mois pourraient aider à cela.

Tandis qu’ils entraient dans l’ascenseur de leur immeuble, Mackenzie tendit la main pour prendre celle d’Ellington. « Tout ça te convient ? Tu en es sûr ? »

Il eut une expression troublée tout en hochant la tête. « Je le suis. Je sais que c’est bizarre mais oui. Je pense que ça va aller. Et toi ?

– Pareil. »

Ils entrèrent dans leur appartement, de retour environ une heure vingt après être partis. Ils trouvèrent Frances en train de nettoyer le comptoir de la cuisine tandis que Patricia était assise par terre et jouait avec Kevin. Ils étaient en train de s’amuser avec un de ses jouets préférés. Voir sa mère jouer ainsi par terre avec son fils lui réchauffa le cœur d’une façon à laquelle elle ne s’était pas attendue. Elle donna un léger coup de coude à Ellington lorsqu’ils passèrent la porte du salon, lui faisant signe que c’est lui qui allait devoir parler.

« Euh… Maman ? Mme White ?

– Oh non, appelez-moi Patricia, je vous en prie.

– D’accord… Maman et Patricia. Alors Mackenzie et moi venons juste de recevoir l’opportunité de travailler ensemble sur une affaire. Nous l’avons déjà fait auparavant bien sûr, mais pas depuis notre mariage, le FBI s’étant montré bizarrement réticent à nous associer tous les deux. Mais cette fois, ça nous a été demandé.

– Eh bien, c’est formidable, dit Frances.

– En effet. Mais l’enquête est dans l’Utah. Et il faut que nous soyons dans l’avion vers cinq heures du matin. »

Patricia leva la tête vers eux pour la première fois depuis leur retour, son attention étant restée portée vers Kevin pendant tout ce temps. « Rien de dangereux ? demanda-t-elle.

– Pas plus que d’habitude, dit Mackenzie. Mais si nous vous évoquons tout cela à toutes les deux, c’est parce que nous nous sommes dit que c’était vraiment inattendu que vous soyez ensemble ici. Donc Maman… tu avais prévu de rester en ville pour deux jours, c’est ça ?

– Oui, c’est ça.

– Et toi, dit Ellington en se tournant vers sa mère, tu as débarqué sans prévenir, ce qui me laisse penser que tu n’avais rien de prévu pour bientôt. C’est juste ?

– Je comptais rentrer par avion demain mais je n’ai aucun projet concret, non.

– Ce serait possible que tu annules ta chambre d’hôtel et obtienne un remboursement, Maman ? » demanda Mackenzie.

Patricia sembla saisir où l’on voulait en venir. Elle regarda Kevin, sourit d’un air radieux puis se tourna de nouveau vers sa fille avec un peu d’appréhension. « Mackenzie… je ne sais pas. Ca me fait envie, c’est certain. Bien sûr que je le souhaite. Mais es-tu sûre ?

– Ca vous concernerait toutes les deux, dit Mackenzie. Si Frances est d’accord. Deux ou trois jours tout au plus, je pense. Vous êtes partantes pour ça ? »

Les larmes qui coulèrent des yeux de sa mère constituèrent la réponse que Mackenzie attendait. Puis Patricia acquiesça et se releva. Lorsqu’elle s’approcha pour prendre sa fille dans ses bras, Mackenzie sut à peine comment se comporter. Elle étreignit sa mère en retour, ne sachant trop ce que cela signifiait, mais sentant que c’était un peu forcé et gênant. Cela faisait-il vraiment aussi longtemps depuis qu’elles s’étaient serrées dans les bras l’une de l’autre, guidées par l’émotion plutôt que par convention sociale ?

« Vous pouvez compter sur moi aussi, dit Frances. Je n’ai des vêtements de rechange que pour un jour ou deux mais je peux faire une lessive.

– Mackenzie, je ne sais même pas par où commencer, dit Patricia. Ca fait si longtemps depuis que je me suis occupée d’un bébé et…

– C’est comme de faire du vélo, la rassura Frances. Et le petit Kevin est un ange. Il n’y a jamais de problème.

– Et nous vous laisserons un emploi du temps, dit Mackenzie.

– Ainsi que le numéro de téléphone du docteur, des pompiers et du centre antipoison » ajouta Ellington pour plaisanter.

Lorsque personne ne rit, il grimaça et sortit de la pièce à pas lents. Kevin, assis par terre, fut le seul à fournir une réponse en tendant son cou pour voir où son papa s’en allait.

« Tu penses pouvoir y arriver, mon chéri ? » demanda Mackenzie en s’asseyant au sol à côté de lui.

Pour toute réponse, il fit son sourire habituel en plus de ses grands yeux brillants, tandis qu’il levait la tête vers sa mère et les deux femmes plus âgées derrière elle.




CHAPITRE CINQ


Parvenus environ à mi-chemin de leur vol direction l’Utah, Mackenzie en était déjà à sa seconde tasse du café amer de l’avion tandis que des premiers signes d’inquiétudes commençaient à s’insinuer en elle. Elle regarda par la fenêtre, la lumière du petit matin s’épanouissant à l’horizon, puis vers Ellington.

« Tu as toujours confiance en notre arrangement ? lui demanda-t-elle.

– Oui. Pourquoi ? Tu as changé d’avis ?

– Non. Mais je connais ma mère. Je veux dire, il est évident qu’elle est en train de changer et d’améliorer sa vie, et j’espère que passer du temps avec Kevin ne fera qu’accélérer ce processus. Mais je connais ma mère. Je sais combien elle peut être entêtée et sur la défensive. Je ne peux m’empêcher de me demander si le fait d’avoir nos mères réunies ne va pas se transformer en un match de catch.

– Tant qu’elles gardent Kevin en vie, ça me convient. Mais je parierais de l’argent sur ta mère au fait. »

Elle put voir qu’il était légèrement inquiet mais essayait d’avoir l’air du mari sûr de lui sur lequel elle pouvait compter. Tout au long de leur mariage et des années passées à travailler ensemble auparavant, il avait appris quand il devait assumer ce rôle et aussi quand il devait faire un pas en arrière et la laisser prendre les devants. Il devenait vraiment doué pour exécuter ces deux choses, à savoir quel rôle il devait prendre en fonction des occasions. Elle soupira, regarda de nouveau par le hublot et lui prit la main.

« Hé, Mac ? Tout va bien, vraiment. Ca va être génial. C’est ça d’avoir une famille, tu sais ? Les beaux-parents, les proches, tout ça.

– Je sais. Mais aujourd’hui, il s’agit de ma mère. Et si demain, c’est ma sœur qui débarque et veut brusquement jouer son rôle de tante ?

– Alors tu devras la laisser faire. Ou du moins, la laisser essayer.

– Oh, mais tu ne connais pas Stephanie…

– Et je ne connaissais pas ta mère jusqu’à hier. Et cependant nous voilà, en plein ciel tandis qu’elle et ma mère sont en bas, à s’occuper de notre fils. Et si je peux être honnête… ?

– Je t’en prie.

– Je pense que tu t’inquiètes de ne pas être inquiète. Toi et moi avons été ébranlés que tout se passe aussi naturellement. Peut-être que nous avons juste besoin de l’accepter et de nous concentrer sur notre enquête. Nos mères nous ont élevés et tout s’est bien fini pour nous après tout.

– En effet, hein ? demanda-t-elle avec un sourire.

– Eh, suffisamment en tout cas. »

Mackenzie continua de boire son café à petite gorgées et fit exactement ce qu’Ellington suggérait, détourner ses pensées du résultat surprenant qui s’était déroulé chez eux pour reporter son attention sur l’enquête.


***

Ils conduisirent dans leur voiture de location sur une vingtaine de kilomètres dans les environs de Salt Lake City, prêts à devancer d’une heure l’estimation de McGrath selon laquelle ils arriveraient à midi. La ville où la femme sans identité avait été tuée était une jolie petite localité appelée Fellsburg. C’était une ville plutôt chic, le genre de lieu qui prospérait uniquement du fait de sa proximité d’avec Salt Lake City. Mackenzie se dit que la majorité de la population devait faire le trajet tous les jours, travaillant là-bas puis rentrant chez eux, dans l’un des nombreux quartiers de Fellsburg.

Se reportant aux notes et instructions dans le dossier que McGrath leur avait envoyé par email, Ellington conduisit jusqu’à un lotissement baptisé Plainsview. Il ressemblait aux deux autres lotissements qu’il leur avait fallu traverser pour venir jusque-là – des maisons à deux étages, comme découpées à l’emporte-pièce. Des pelouses bien tondues, un bon éclairage de rue avec des lampadaires environ tous les trente mètres.

Mais ils n’eurent pas à s’aventurer loin dans Plainsview. Au bout de quatre maisons, ils virent une voiture de police garée d’un côté de la rue. C’était celle de l’officier avec qui ils avaient convenu d’un rendez-vous lorsque Mackenzie lui avait téléphoné de l’aéroport pour prévenir de leur arrivée. Il descendait déjà de sa voiture de patrouille quand Ellington se gara derrière lui.

Tous trois firent connaissance entre les deux voitures, chacun se présentant. Le badge et l’insigne qu’il portait à sa poitrine indiquaient qu’il s’agissait du Sheriff Burke.

« Agents, dit Burke. Merci d’être venus. Je suis le Sheriff Declan Burke. »

Mackenzie et Ellington déclinèrent leurs noms et lui serrèrent la main. Mackenzie se dit que Burke devait avoir la cinquantaine. Il avait une barbe fournie qui aurait eu besoin d’être taillée et un visage aux traits durcis. Ses yeux étaient cachés par une paire de lunettes type aviateur même si le soleil n’éclairait vraiment pas beaucoup.

« C’est ici qu’on a découvert le corps ? demanda Mackenzie.

– C’est ça. Juste là. » Burke pointa du doigt un emplacement légèrement à la droite du centre.

« Selon le rapport, il n’y avait rien sur elle en dehors de son permis de conduire, c’est bien ça ?

– Ca, et une paire de sandales en fait. Au début, j’ai pensé que c’est la voiture qui, en la percutant, les lui avait enlevées. Mais le légiste a fait remarquer qu’il y avait des lésions et des coupures sur ses pieds, montrant clairement qu’elle les avait ôtées elle-même, peut-être dans l’espoir de courir plus vite.

– Vous avez une idée de la distance qu’elle a parcourue ainsi ? demanda Ellington.

– Nous ne sommes pas certains à ce sujet, dit Burke. Il y a un champ à un peu plus de deux kilomètres d’ici, où l’on discerne des traces de passage durant cette même nuit. Mais avec la pousse des mauvaises herbes et des graminées, il est impossible d’affirmer s’il s’agissait de cette femme – ou même d’un être humain. Il a pu s’agir d’un cerf ou d’un autre animal.

– Et personne dans le coin n’a rien vu ? demanda Mackenzie. Elle regarda le long de la rue, en direction de la route légèrement en pente jusque vers les jolies habitations. Il y avait de nombreux lampadaires. Il était difficile de croire que personne n’avait rien remarqué.

« Mes hommes et moi avons interrogé tous les habitants de cette rue. Nous avons un couche-tard qui affirme avoir vu une vieille voiture passer à travers le quartier, ses phares éteints. Mais il n’a pas repéré le numéro d’immatriculation.

– Et rien sur la fille ? dit Ellington. On ne lui connait aucune identité ?

– Nous n’avons rien pu trouver. Le permis de conduire était un faux. Et diablement bien fait en plus. Bien sûr nous avons relevé ses empreintes et pris un échantillon de sang mais rien n’a concordé avec une personne présente dans nos fichiers.

– Tout ça ne fait aucun sens, commenta Ellington.

– C’est pour cela que nous vous avons fait venir ici, dit Burke. Vous avez vu les clichés du corps et de la scène de crime, je suppose ?

– Oui, dit Mackenzie. Du scotch noir collé en travers de sa bouche. Le légiste pense que cela a été mis après sa mort.

– En effet. Nous avons analysé le scotch mais aucune empreinte dessus. »

Mackenzie avait examiné le morceau d’adhésif sur les photographies pendant un moment la veille au soir et dans l’avion ce matin. Elle s’était dit que cela pouvait constituer un symbole, une façon pour le tueur de faire savoir à la femme que même morte, elle devait rester silencieuse. Mais pourquoi ? Qu’avait-elle à dire ?

« Sans aucune identité, je suppose qu’il est presque impossible de retrouver des membres de sa famille ou ses amis, dit Ellington.

– En effet. Nous n’avons rien. Je serais donc très heureux de vous passer l’affaire. Vous avez besoin de moi pour quoi que ce soit ?

– En fait oui, dit Mackenzie. Aucune empreinte n’a été retrouvée sur le permis de conduire ?

– Uniquement celles de la fille.

– Comment est le laboratoire médico-légal chez vous ?

– En aucun cas extraordinaire, mais meilleur que dans la plupart des villes de cette taille.

– Alors faites-venir des gens du labo pour examiner ce permis d’un peu plus près. Le vérifier au microscope, aux rayons ultraviolets. Certains faussaires apposent une minuscule signature ou une marque sur leur œuvre. C’est toujours bien dissimulé mais parfois, c’est présent. Un peu à la manière d’un bref doigt d’honneur adressé aux personnes de notre genre.

– Je vais faire ça, dit Burke. Autre chose ? »

Mackenzie s’apprêtait à demander à Ellington ce qu’il pensait mais elle fut interrompue par la sonnerie de son téléphone. Il était en mode silencieux mais ils purent tous l’entendre vibrer à l’intérieur de la poche de son manteau. Elle se retourna et le sortit. Elle fut irritée et un peu alarmée en voyant qu’il s’agissait de sa mère. Elle faillit l’ignorer mais la pensée que cette dernière et Frances gardait Kevin lui revint lourdement à l’esprit.

Elle s’écarta de quelques pas et décrocha, redoutant déjà la nouvelle qu’elle risquait d’apprendre à l’autre bout du fil.

« Bonjour Maman. Tout va bien ?

– Oui, tout est parfait. Kevin va très bien.

– Alors pourquoi m’appelles-tu ? Tu sais que je démarre juste mon enquête, pas vrai ?

– Je sais. Mais j’ai juste besoin de savoir quelque chose. Est-ce que Frances est toujours aussi autoritaire ?

– Qu’est-ce que tu veux dire ?

– Juste qu’elle veut tout diriger. Je sais qu’elle s’est bien plus occupée de Kevin que moi, mais elle se conduit comme si elle était au courant de chaque détail le concernant et elle remet en cause tout ce que je fais.

– C’est pour ça que tu me téléphones ?

– Oui. Je suis désolée Mackenzie mais…

– Vous êtes des grandes filles toutes les deux. Vous allez trouver un moyen de vous arranger. Pour le moment, je dois y aller. Je t’en prie, Maman… ne me rappelle plus sauf en cas d’urgence. »

– D’accord. » Il y eut de la déception dans sa voix et elle parut blessée, mais Mackenzie n’en tint pas compte.

Elle mit fin à l’appel et reporta son attention vers Ellington et Burke. Ce dernier la regarda d’un air presque désolé tandis qu’il retournait à sa voiture de patrouille.

« Je disais justement à votre partenaire que nous avons un bureau de prêt pour vous au quartier général. J’ai quelques autres choses à vérifier, alors faites simplement comme chez vous. Et ne vous privez pas de me téléphoner directement s’il arrive quelque chose d’urgent. »

Il sembla soulagГ© de quitter les lieux en retournant Г  sa voiture. Il leur fit un petit salut de la main avant de dГ©marrer, les laissant observer la portion de route oГ№ la mystГ©rieuse femme avait Г©tГ© tuГ©e.

« C’était un appel important ? demanda Ellington.

– C’était ma mère.

– Oh ? Tout va bien ?

– Oui. Elle m’appelait juste pour me faire savoir que le match de catch a officiellement débuté. »




CHAPITRE SIX


La première chose que fit Mackenzie lorsqu’ils arrivèrent au quartier général fut d’aller examiner les dossiers papier afin de voir les vraies photos de la scène de crime plutôt que les numériques qui lui avaient été fournies ainsi qu’à Ellington. Elle les étala sur la grande table qui occupait presque tout l’espace du bureau qui leur avait été alloué, se penchant au-dessus d’elles pour un moment. Tandis qu’elle les étudiait, Ellington commença à prendre des notes sur son téléphone.

La fille était plutôt jeune. Mackenzie doutait qu’elle ait plus de trente ans. Elle était blonde et avait un visage que la plupart aurait considéré comme joli. Mais celui-ci avait aussi une autre caractéristique, que l’on remarquait même sur son visage mort dénué d’émotions, et Mackenzie se dit qu’elle avait peut-être été une sans domicile fixe ou une personne en fuite. Ca, ou bien qu’elle avait vécu récemment un traumatisme. Sa peau était d’une pâleur telle qu’elle évoquait une vie de misère et de saleté.

« Pas d’identité, dit-elle, se parlant plus à elle-même qu’à Ellington. Je me demande si elle était sous le régime de protection des témoins.

– Protection des témoins ? dit Ellington. C’est s’avancer un peu loin. En particulier avec ce permis de conduire que tu penses être faux.

– Eh bien, elle n’a pas de vraie carte d’identité et elle courait de toutes ses forces pour fuir quelqu’un. Si elle était un témoin protégé et en fuite, voilà qui nous donnerait au moins une piste par où commencer. Peut-être qu’une personne de son passé l’a retrouvée.

– Voilà pourquoi je t’aime, dit Ellington. Tu préfère envisager n’importe quelle théorie plutôt que d’admettre que tu n’a rien sur quoi te baser.

– Il y a toujours quelque chose sur quoi se baser, dit Mackenzie, observant toujours les photos. C’est juste que quelquefois, l’endroit par où commencer est plus difficile à trouver. »

Elle prit son tГ©lГ©phone, ses yeux passant de la liste de ses contacts aux photographies de la fille morte sur la table.

« Tu appelles qui ? demanda Ellington.

– Les autorités compétentes pour leur demander de me mettre en communication avec les bureaux des US Marshals afin qu’on voie s’ils peuvent me fournir une liste.

Ellington fut clairement surpris par cette idée et hocha la tête de façon comique. « Eh bien, bonne chance avec ça. »

On répondit au téléphone et elle fut mise en attente avant qu’on puisse enfin lui passer les bureaux des US Marshals. Elle continua d’examiner les photos pendant ce temps. Les blessures provoquées par le véhicule qui l’avait percutée n’étaient pas très visibles sur les photos, mais l’horrible déchirure à sa gorge était flagrante.

La route qu’on voyait sur les photos était légèrement mouillée et luisante, rendant le sang rouge sombre qui s’échappait de son cou presque irréel.

« C’est le directeur adjoint Manning à l’appareil, dit une voix épaisse à l’autre bout du téléphone. Qui est là ?

– Agent spécial Mackenzie White, du FBI. Je travaille sur une affaire à Salt Lake City qui, je pense, pourrait impliquer une jeune femme sous le régime de protection des témoins. Nous n’avons aucune identité pour elle. Ses empreintes ne figurent dans aucune base de données et le permis de conduire retrouvé sur son corps était un faux. Je demande à tout hasard en espérant qu’elle pourrait faire partie de votre système.

– Agent White, vous savez que je ne puis vous fournir l’identité des personnes dont nous assurons la sécurité. Cela enfreindrait environ une douzaine de lois et règlements.

– J’en ai conscience. Et si je vous envoyais une des photos ? En utilisant la reconnaissance faciale, vous pourriez peut-être trouver quelque chose et…

– Veuillez m’excuser mais même si vous ne faites que soupçonner qu’elle pourrait être sous le régime de protection des témoins, faire circuler ainsi une photo enfreindrait encore plus les règles.

– Etant donné qu’il s’agit d’une photo de la scène de crime, je pense que c’est autorisé, répliqua sèchement Mackenzie. Elle a été percutée par un véhicule puis on lui a tranché la gorge. Alors je ne compte pas vous envoyer une photo glamour. »

Manning soupira lourdement, faisant ainsi savoir à Mackenzie qu’il s’apprêtait à céder. « Envoyez la photo et je vais demander à quelqu’un de faire une recherche en reconnaissance faciale. Bien entendu, je ne peux rien promettre. Mais je vais voir ce que nous pouvons faire.

– Merci.

– On vous recontacte dès que possible. » Il lui indiqua où envoyer la photo avant de raccrocher.

Ellington avait consulté le dossier du coroner pendant qu’elle parlait avec Manning. « Tu as eu ce que tu voulais, hein ?

– Est-ce qu’il n’y a jamais un doute que ça se passerait ainsi ? »

Il secoua la tête et lui tendit le rapport du coroner. « C’est le plus récent, fraîchement sorti des presses il y a environ cinq heures. Plutôt intéressant, tu ne trouves pas ? »

Elle survola le rapport, parcourant le contenu le plus évident jusqu’à tomber sur les plus récents développements. Ce qu’elle y vit était effectivement intéressant. Selon les dernières mises à jour du coroner et des médecins légistes, il apparaissait que la victime avait souffert de plusieurs fractures par le passé, qui n’avaient pas été soignées correctement. Deux côtes, le poignet droit, ainsi qu’une le long de son bras droit. Selon les notes du coroner, les os de son poignet gauche semblaient même n’avoir jamais été soignés.

« Tu crois qu’elle était victime de violence conjugale ? demanda Mackenzie.

– Je pense qu’elle fuyait quelqu’un et qu’elle a souffert par le passé de fractures multiples qui n’ont pas été guéries correctement. Alors en effet… de la violence conjugale, peut-être même quelque chose d’encore plus dramatique. Je me demande si elle n’était pas retenue prisonnière. Elle n’a pas l’air d’avoir été en très bonne santé, tu vois. Le rapport indique qu’elle pesait environ cinquante kilos. Et tu as vu son visage sur les photos… elle avait l’air de… Je ne sais pas…

– Endurcie, termina Mackenzie à sa place.

– Oui, c’est un bon terme.

– Alors peut-être qu’elle était captive ou prisonnière, qu’elle a réussi à échapper à son bourreau. Et lorsqu’il l’a rattrapée, il s’est dit que mieux valait la tuer plutôt que de la retenir enfermée à nouveau.

– Mais pour qu’il agisse de manière aussi désinvolte, ça veut dire qu’il devait savoir qu’elle n’avait pas d’identité connue. »

C’était un bon point, qui les laissa réfléchir en silence chacun de leur côté. Mackenzie pensa à la fille, qui avait peut-être couru à travers un champ mouillé puis sur une route luisante de pluie. Elle avait été pied nus, portant semble-t-il ses sandales à la main. Cette hypothèse soulevait deux questions.

La première était de savoir ce qu’elle fuyait ?

La seconde, pensa-t-elle, commençait à devenir plus pressante. « Où se rendait-elle ? » demanda Mackenzie à voix haute. Ca ne peut pas être une coïncidence qu’elle ait choisi ce quartier. Je sais qu’il n’y aucune preuve que ce soit elle qui ait traversé le champ dont a parlé le Sheriff Burke, mais si c’était bien le cas ? Elle aurait pu partir dans n’importe quelle direction et choisir n’importe quel quartier. Alors pourquoi celui-ci ? »

Ellington sourit tout en hochant la tête, s’enthousiasmant à son tour. « Et pourquoi ne pas aller enquêter sur tout ça ? »




CHAPITRE SEPT


Ils eurent de la chance car l’on était samedi et la plupart des voitures du voisinage étaient garées dans des allées privées ou des garages ouverts. Ils regagnèrent le quartier de Plainsview vers quinze heures dix et se garèrent au même endroit que là où ils avaient fait connaissance avec le Sheriff Burke. C’était un après-midi ensoleillé de mars, pas très frais mais assurément pas chaud non plus. En tout cas, Mackenzie ne s’attendait pas à avoir de difficultés particulières à trouver des gens avec qui parler.

« Tu prends à droite et moi à gauche » dit Ellington tandis qu’ils sortaient de la voiture.

Mackenzie acquiesça, sachant que la plupart des coéquipiers choisissaient souvent de ne pas se séparer ainsi. Mais Ellington et elle se faisait réciproquement confiance à ce niveau pour s’autoriser cela. Cela provenait non seulement de leur forte relation de travail mais également du lien créé par leur mariage. Ils se séparèrent sans tambour ni trompette et partirent chacun d’un côté de la rue.

La première maison du côté de Mackenzie n’était pas des plus faciles – puisqu’une mère et sa fille se trouvaient dans le jardin. La petite fille devait avoir six ans et faisait du tricycle, descendant et remontant l’allée. La mère était assise sur le porche en train de scroller son téléphone. Lorsque Mackenzie s’approcha, elle leva la tête et sourit.

« Puis-je vous aider ? » demanda-t-elle. Son ton de voix indiquait qu’elle n’avait aucune envie de faire cela, en particulier si Mackenzie était là pour vendre quelque chose.

Mackenzie s’écarta un peu de la petite fille avant de sortir son badge et de se présenter. « Je suis l’agent Mackenzie White du FBI. Mon collège et moi faisons une enquête de voisinage pour voir si nous pouvons apprendre quoi que ce soit au sujet de l’accident qui s’est déroulé il y a deux jours.

– Je n’ai rien vu, dit-elle. J’ai déjà raconté la même chose aux policiers. D’après ce qu’ils disent, ils pensent que cela s’est passé après minuit et tout le monde chez moi dort déjà à vingt-trois heures.

– Savez-vous qui a retrouvé le corps ?

– Je ne sais pas trop. Toutes sortes de rumeurs circulent et je ne sais laquelle croire. Au bout d’un moment, j’ai juste arrêté d’y prêter attention, vous comprenez ?

– Certaines provenant de personnes à qui vous feriez confiance concernant ce genre d’informations ?

– Je crains que non.

– Eh bien, merci de m’avoir accordé votre temps. »

Elle se retourna et salua la petite fille de la main tandis qu’elle se dirigeait vers la maison suivante. Elle frappa trois fois mais n’eut aucune réponse. Elle eut le même résultat à la troisième. Ce fut différent à la quatrième. La porte s’ouvrit juste après qu’elle eut sonné.

Mackenzie se retrouva en face d’une dame plus âgée, peut-être proche des soixante ans. Elle tenait à la main une bouteille de nettoyant ménager et un chiffon. On entendait du rock des années 70 derrière elle, du Peter Frampton, si Mackenzie ne se trompait pas dans ses connaissances musicales, qui étaient plutôt étendues. La femme avait visiblement été interrompue dans son ménage mais accueillit néanmoins Mackenzie avec le sourire.

« Excusez-moi de vous déranger, dit Mackenzie. Je suis l’agent White, du FBI. » Elle présenta son badge et la femme le regarda comme si Mackenzie venait juste de faire un tour de magie. Je fais du porte-à-porte dans le voisinage pour obtenir des informations au sujet de l’accident qui s’est déroulé dans votre rue il y a deux soirs.

– Oh, bien entendu » dit la femme. Elle oublia aussitôt son nettoyage. « Avez-vous trouvé qui est le responsable ?

– Pas encore. C’est pour ça que nous sommes ici, à tenter de trouver des indices. Avez-vous vu ou entendu quoi que ce soit pendant cette nuit-là ?

– Non, et je ne connais personne pour qui ce soit le cas. Ce qui est d’ailleurs le plus effrayant.

– Comment ça ?

– Eh bien, c’est un quartier très tranquille. Mais nous sommes aussi un peu au milieu de nulle part. Bien sûr, Salt Lake City n’est qu’à moins de trente kilomètres mais comme vous pouvez le voir, ce n’est pas vraiment l’atmosphère d’une grande ville par ici.

– Quelle genre de rumeurs a circulé ? demanda Mackenzie.

– Aucune dont je sois au courant. C’est une chose trop dramatique pour qu’on en discute. » Elle s’avança d’un pas en travers de la porte, se rapprochant de Mackenzie afin de pouvoir parler d’un air de conspiratrice. « J’ai l’impression que la plupart des gens du quartier croient que si l’on n’en parle pas, toute cette histoire va juste disparaître – que tout le monde va l’oublier. »

Mackenzie acquiesça. Elle avait mené plusieurs enquêtes dans des villes similaires. Cependant, elle savait également que c’était l’un de ces quartiers de petite taille où les commérages ont tendance à s’enraciner et à se répandre largement.

Mais tandis qu’elle poursuivait son chemin le long de la rue, elle n’était pas si sûre que cela allait être le cas à Plainsview. Il y avait deux attitudes principales parmi les habitants : ceux qui étaient irrités de la venue du FBI parce qu’ils avaient déjà parlé de tout cela à la police, et ceux qui étaient sincèrement effrayés de la situation dans leur quartier, maintenant que le FBI était impliqué.

La huitième maison où elle se rendit ne se remarquait pas beaucoup. Il n’y avait pas de fleurs dans les parterres, uniquement du paillis ancien qui s’était depuis longtemps complètement décoloré. Il y avait des meubles de jardin sur le porche, mais ils étaient dans un fort état de délabrement, l’une des chaises étant parsemée de toiles d’araignées. A deux maisons de la première intersection du quartier, cela ne se remarquait pas beaucoup, mais Mackenzie supposa que certains des plus anciens propriétaires dans le quartier pourrait froncer du nez devant cette habitation.

Elle frappa à la porte et entendit des pas légers à l’intérieur. Dix secondes supplémentaires s’écoulèrent avant que quelqu’un n’apparaisse à la porte. Et lorsque ce fut le cas, celle-ci ne fit que s’entrebâiller. Une jeune femme jeta un œil dehors, ses yeux sombres observant Mackenzie avec un air scrutateur qui suggérait qu’elle devait être quelqu’un de soupçonneux.

« Ouais ? » demanda la jeune femme.

Mackenzie montra son badge et sa plaque et sentit aussitôt une étrange vibration émaner de cette femme. Tous les autres avaient ouvert grand leur porte mais elle avait l’air de vouloir s’en servir comme d’un bouclier. Peut-être faisait-elle partie de ces habitants qui avaient choisi de réagir de façon totalement paniquée par rapport au meurtre.

« Je suis l’agent White, du FBI. J’espérais vous poser quelques questions au sujet de l’accident qui s’est déroulé il y a deux nuits.

– A moi ? demanda la femme, confuse.

– Non, pas uniquement vous. Mon collège et moi allons de porte en porte pour interroger tous les habitants. Pardonnez-moi de vous poser cette question, mais vous semblez un peu jeune. Est-ce que c’est la maison de vos parents ? » Un léger air d’irritation traversa le visage de la jeune femme. « J’ai vingt ans, dit-elle. J’habite ici avec mes deux colocataires…

– Oh, toutes mes excuses. Donc… est-ce que vous vous souvenez de quoi que ce soit d’intéressant à signaler concernant cette nuit-là ?

– Non. Je veux dire, d’après ce que j’en ai entendu, cela s’est passé très tard. D’habitude je suis couchée vers vingt-deux ou vingt-trois heures.

– Vous n’avez rien entendu ?

– Non. »

La jeune femme continuait à ne pas ouvrir la porte en entier. Elle parlait également très vite. Mackenzie ne pensait pas qu’elle cachait quelque chose mais son comportement lui fit quand même commencer à se poser des questions.

« Comment vous appelez-vous ? demanda-t-elle.

– Amy Campbell.

– Amy, vos colocataires sont ici ?

– L’une d’entre elle. L’autre fait des courses actuellement.

– Savez-vous  si elles ont vu ou entendu quelque chose d’inhabituel la nuit de l’accident ?

– Non, rien. Nous en avons discuté, pour essayer de trouver quelque chose. Mais nous étions toutes endormies passé vingt-deux heures trente cette nuit-là. »

Mackenzie faillit demander à entrer à l’intérieur mais décida finalement que non. Amy était clairement paniquée par toute cette situation et il n’y avait aucune raison de l’effrayer davantage. Tandis qu’un moment de tension passait entre elles deux, Mackenzie aperçut quelqu’un bouger derrière Amy. Une autre femme marchait dans le vestibule, prenant à gauche pour aller dans une autre pièce. Elle semblait avoir l’âge d’Amy, avec un visage anguleux. Ses cheveux, qui se trouvaient être bruns, étaient relevés en un chignon désordonné. Mackenzie faillit demander qui c’était mais sentit que si elle le faisait, elle pourrait perdre l’attention qu’elle était parvenue à obtenir d’Amy.

« Comment avez-vous entendu parler du meurtre ? demanda Mackenzie.

– Par la police. Ils sont venus et ont demandé exactement la même chose que vous ce matin.

– Et vous leur avez répondu exactement comme à moi ?

– Oui. Franchement, je n’ai rien vu. Rien entendu. J’aurais voulu vous aider juste parce que c’est si horrible… sauf que je dormais. »

Ce fut avec cette dernière phrase que Mackenzie détecta une certaine émotion. Amy était soit triste soit désespérée à propos de quelque chose – ce qui était logique, étant donné ce qui s’était passé dans sa rue deux nuits auparavant. Cependant, elle se conduisait de façon beaucoup plus bizarre que n’importe laquelle des autres personnes à qui Mackenzie avait parlé. Celle-ci fouilla dans la poche de son manteau et en sortit une de ses cartes de visite. Quand elle la tendit à Amy, la jeune femme s’en saisit rapidement.

« Je vous en prie, téléphonez-moi si vous ou l’une de vos colocataires se souvient de quelque chose – ou même si vous entendez l’un de vos voisins mentionner quelque chose d’inhabituel. Vous pourrez faire ça ?

– Oui. Bonne chance, agent White. »

Amy Campbell referma rapidement la porte, laissant Mackenzie se tenir debout toute seule sur le porche sale. Elle redescendit lentement les marches tout en rГ©flГ©chissant Г  tout cela.

Une jeune femme de vingt ans qui loue une maison dans un quartier comme celui-ci…c’est plutôt bizarre. Mais si elle a des colocataires, alors il se peut qu’elles soient étudiantes dans une université de Salt Lake City. Peut-être que c’est moins cher et plus agréable que de vivre dans une résidence sur le campus.

Même si toute cette situation semblait quelque peu étrange, elle devait se rappeler qu’un meurtre brutal s’était déroulé dans cette rue. Les gens allaient y réagir différemment – surtout des filles de l’âge d’être étudiantes, et qui savaient que la victime était environ du même âge que le leur.

Mackenzie réfléchit à tout cela dans sa tête tandis qu’elle regagnait la rue. Ce faisant, elle passa à côté des deux voitures qui étaient garées sur la petite plaque de béton qui constituait l’allée de chez Amy Campbell. Elles étaient toutes deux plutôt vieilles, l’une étant une Pontiac 2005 qui avait l’air de d’être prête à tomber en morceaux la prochaine fois qu’elle buterait sur un nid-de-poule.

Avant de redescendre plus bas dans la rue, Mackenzie sortit son téléphone. Elle y tapa le nom et l’adresse d’Amy pour s’y référer plus tard. Ce n’était qu’une intuition mais le plus souvent, les intuitions de Mackenzie s’avéraient payantes au final.

Elle remit son téléphone dans sa poche et continua d’avancer le long de la rue pour aller frapper à d’autres portes.




CHAPITRE HUIT


Huit minutes et trois maisons plus tard, le périple de Mackenzie dans le quartier de Plainsview fut interrompu par un appel téléphonique. Le Sheriff Burke était au bout du fil, sa voix d’une certaine façon plus épaisse à travers le combiné. Il avait l’une de ces voix dénuées d’expression, qui faisait qu’il était quasiment impossible de savoir de quelle humeur il était.

« Je viens de recevoir un appel du labo. Ils n’ont trouvé aucune sorte de signature cachée avec les rayons ultraviolets. Mais ils ont découvert une empreinte de pouce incomplète qui n’appartient pas à la fille.

– Vous avez trouvé quelque chose à partir de ça ?

– Oui, je viens de tomber dessus. L’empreinte appartient à un gars nommé Todd Thompson. J’ai demandé à un agent de faire une vérification à son sujet.

– Donc aucune signature… ce qui signifie qu’il y a de fortes chances pour que le permis soit authentique.

– Ca n’a toujours aucun sens. Le nom sur le permis ne correspond à rien dans nos dossiers. Ni les empreintes. Si la photo sur le permis ne lui ressemble pas exactement, alors je dirais qu’elle l’a volé quelque part.

– Je suppose que nous pourrions lancer une recherche sur les femmes qui ont reporté avoir perdu leurs sacs ou leurs permis au cours du mois dernier.

– C’est déjà ce que nous avons fait le premier jour. Nous avons eu quelques perches mais il n’en est rien sorti. Nous avons aussi essayé de… attendez, j’ai là un agent avec les résultats sur Todd Thompson. Je vais mettre le haut-parleur pour vous, Agent White. »

On entendit des bruits étouffés, un cliquetis et puis une autre voix. Celle d’une femme, tout aussi austère que celle de Burke mais avec plus d’émotion. Il y avait un ton d’excitation dans sa voix alors qu’elle était en train de se dire que ce qu’elle allait raconter pouvait peut-être les amener à résoudre l’enquête.

« Une simple recherche dans les registre de l’Etat montre que Todd Thompson est natif de Salt Lake City. Il a cinquante trois ans et – tenez-vous bien – travaille au service d’immatriculation des véhicules. »

Le lien avec ce dernier jetait certainement un nouvel éclairage sur cet étrange permis de conduire. Mackenzie put presque entendre s’enclencher les rouages de son cerveau alors que tout se mettait en place.

« Vous avez son adresse ?

– Je l’ai. Je peux scanner le rapport et vous l’envoyez dès que nous aurons raccroché.

– C’est parfait. »

Ils mirent fin à l’appel et Mackenzie regarda en bas de la rue, par là d’où elle était venue. L’emplacement de l’accident était à présent hors de vue, environ six maisons plus bas et dans un pâté de maison complètement différent. Elle regarda plus loin et vit qu’Ellington se trouvait une maison après elle. Il était en train de discuter avec un vieux monsieur à travers sa porte ouverte. Elle était presque sûre qu’il serait plus qu’heureux de mettre fin à ce porte-à-porte.


***

D’après le rapport fourni par Burke et son agent, Todd Thompson avait quelques casseroles dans son casier judiciaire. Deux contraventions de stationnement impayées (ce que Mackenzie trouva amusant, vu son métier), une inculpation pour complicité dans un cambriolage et infraction qui datait d’il y a trente ans. En dehors de ça, Todd Thompson paraissait irréprochable. Si ce n’est le fait que l’empreinte de son pouce avait été légèrement apposé sur le présumé faux permis de conduire de la femme apparemment dénuée d’identité.

Mackenzie informa Ellington de tout cela tandis qu’il conduisait pour les ramener en ville. Elle lui raconta également sa drôle de rencontre avec Amy Campbell. Il s’avéra qu’il s’agissait de la visite la plus intéressante parmi les dix-neuf qu’ils avaient effectuées. Ellington fut d’accord pour dire que l’humeur d’Amy pouvait simplement s’expliquer par le fait qu’une femme de son âge avait été tuée à moins de trois cent mètres du pas de sa porte.

Mais au moment où ils parvinrent en ville et se dirigèrent vers la maison de Todd Thompson, ils sentirent tous deux qu’il allait peut-être s’agir de la visite qui allait clore l’enquête. Mackenzie n’avait rien dit à ce sujet à voix haute mais elle était anxieuse de retourner à la maison. Le seul coup de fil de sa mère l’avait davantage bouleversée qu’elle n’était prête à l’admettre et elle se sentait brusquement stupide d’avoir cru que sa mère serait capable de garder un enfant sans en faire tout un plat.

La nuit commençait juste à tomber quand Ellington gara la voiture devant l’immeuble où se trouvait l’appartement de Thompson. Il habitait dans l’un des quartiers les plus agréables de la ville, la résidence étant située dans un coin donnant sur un petit parc et un square, où apparemment s’établissaient un marché fermier et d’artisanat le week-end. Tandis qu’ils entraient, quelques vendeurs finissaient juste de remballer pour la journée.

Lorsque Mackenzie frappa à la porte de l’appartement au second étage, elle se demanda à combien de portes elle avait toqué aujourd’hui. Onze ? Douze ? Elle n’en était pas sûre.

« Une minute, dit la voix enjoué d’un homme de l’autre côté. Lorsque la porte s’ouvrit enfin, ils furent accueillis non seulement par un homme d’âge moyen, d’origine afro-américaine, mais également par les senteurs de cuisine thaï.

« Etes-vous M. Todd Thompson ? demanda Ellington.

– C’est moi » dit-il. Il parut d’abord confus mais lorsqu’il vit les deux agents sortir leurs badges, un air de compréhension passa sur son visage. En voyant cette expression, Mackenzie réalisa que cela faisait longtemps que M. Thompson s’attendait à cette visite.

« Nous sommes du FBI, dit Mackenzie. Nous enquêtons sur le meurtre d’une jeune femme qui s’est passé à environ trente kilomètres au nord d’ici. Etant donné que vos empreintes ont été retrouvées sur son permis de conduire, j’apprécierais que vous nous receviez à l’intérieur. »

Thompson acquiesça, s’écartant d’un pas pour les laisser entrer. A présent, plus que jamais, Mackenzie était certaine qu’il savait que ce jour allait venir. Etrangement, il ne semblait pas du tout effrayé. Cela se confirma davantage quand, sitôt après avoir fermé la porte, il se dirigea vers une petite table dans la cuisine et s’y assit, attablé devant son plat à emporter thaï.

« Pardonnez-moi de dire ceci, continua Mackenzie, mais vous ne semblez pas perturbé que le FBI vienne frapper à votre porte.

– Avec la preuve que vous avez manipulé le  permis de conduire d’une femme à présent décédée, qui plus est, ajouta Ellington.

– Quand a-t-elle été tuée ? » demanda Thompson. Il paraissait triste et ses yeux se firent peu à peu plus vagues tandis qu’il mangeait son dîner.

« Vous ne savez honnêtement pas de quoi nous sommes en train de parler ?

– Non. Mais je suis au courant pour les permis de conduire.

– Au pluriel ? » demanda Mackenzie.

Thompson prit une dernière bouchée puis laissa tomber sa fourchette en plastique dans le plat qu’il écarta de lui. Il soupira profondément et regarda les deux agents d’un air accablé. « Oui, dit-il. Il y en a probablement quelques uns qui circulent.

– Tout ceci n’a pas de sens, M. Thompson, dit Mackenzie. Pourquoi ne nous dites-vous pas pourquoi l’empreinte de votre pouce s’est retrouvé sur le faux permis de la femme décédée ?

– Parce que c’est moi qui l’ai fabriqué. Même si j’ai utilisé une poudre en le faisant qui était censée ne pas y laisser mes empreintes. Vous utilisez des rayons ultraviolets ?

– En effet.

– Merde. Eh bien, oui… j’ai fabriqué ce permis.

– Au service d’immatriculation des véhicules, je suppose ? demanda Mackenzie.

– C’est ça.

– La jeune femme vous a-t-elle payé pour ça ? Le nom sur le permis était Marjorie Hikkum.

– Non. C’est toujours la même femme qui paie à leur place. »

Mackenzie commençait à être agacée par la manière désinvolte avec laquelle Thompson expliquait les choses. Elle savait rien qu’en regardant la mâchoire crispée d’Ellington qu’il commençait aussi à être énervé.

« M. Thompson, s’il vous plaît, expliquez-nous donc de quoi vous parlez.

– Ca fait trois ans environ que je fais ça. Cette femme vient, prétend avoir un problème quelconque et me file l’argent. Cinq cent dollars par pièce d’identité. Une semaine plus tard, je lui donne ce qu’elle a demandé.

– Vous comprenez à quel point c’est illégal, n’est-ce pas ? demanda Ellington.

– En effet. Mais cette femme… elle essaie aussi de faire une bonne action. Elle veut ces pièces d’identité parce qu’elle essaie de venir en aide à ces filles.

– Quelles filles ? » demanda Ellington, aboyant presque la question.

Thompson les regarda, confus. Cela lui prit un moment pour comprendre ce qu’il se passait et puis il leur lança à tous deux un regard désolé. « Bon sang. Je suis navré. Puisque vous êtes venus en posant des questions sur les pièces d’identité et la femme décédée, j’ai cru que vous étiez déjà au courant. Les papiers que je fabrique sont pour des femmes qui sont parvenues à s’échapper de cette cinglée de ferme de l’autre côté de Fellsburg.

– Quelle cinglée de ferme ? » demanda Mackenzie.

Cette question parut sincèrement inquiéter Thompson pour la première fois depuis qu’ils étaient venus frapper à sa porte. Il esquissa une légère grimace et secoua doucement la tête. « Je ne me sens pas d’en parler. Trop de gens importants sont impliqués, vous voyez ?

– Non, nous ne voyons pas. » Même si elle se rappelait que McGrath avait raconté qu’une sorte de communauté religieuse se trouvait dans la région et que c’était l’une des raisons pour laquelle les agents locaux hésitaient face à l’enquête.

« Eh bien, M. Thompson, je déteste devoir le dire de cette façon, dit Ellington, mais vous avez déjà avoué avoir fabriqué les fausses pièces d’identité. Si nous le voulions, nous pourrions vous arrêter pour cela et faire en sorte que vous passiez au moins les six prochains mois en prison. En fonction de ceux à qui vous les avez vendus, ce pourrait être encore pire que ça. Cependant, si vous nous apprenez qui étaient ces femmes à qui vous avez fourni ces papiers et que cela nous aide dans notre enquête, alors nous pourrions en quelque sorte passer sur tout cela. Nous insisterions pour que vous cessiez de fabriquer de fausses pièces d’identité en vous servant d’un établissement publique comme le service des immatriculations, mais ça s’arrêterait là. »

Thompson parut légèrement embarrassé d’être tombé dans un tel piège. L’expression gênée sur son visage se transforma en un sourire de défaite. « C’est possible de laisser mon nom en dehors de ça ?

– A moins qu’il n’y ait des circonstances atténuantes, je ne vois pas comment, dit Mackenzie. Avez-vous peur que quelqu’un ne cherche à se venger ?

– Avec ces gens-là, je ne sais tout simplement pas. » Lorsqu’il vit que les deux agents n’avaient toujours aucune idée claire de ce dont il parlait, il soupira de nouveau et poursuivit. « Cette femme vient et achète les documents. Elle les obtient pour des femmes qui tentent d’échapper à la Communauté. Elles s’en servent afin de se rétablir – juste quelques petites choses qu’elles peuvent posséder et qui les aident à démarrer une nouvelle vie. Une vie normale.

– Qu’est-ce que c’est cette Communauté ? demanda Ellington.

– Une communauté religieuse à environ vingt-cinq kilomètres de là, de l’autre côté de Fellsburg – c’est à peu près à quarante minutes d’ici. Beaucoup de gens connaissent son existence mais personne n’en parle vraiment. Quand ça arrive, c’est soit en plaisantant soit en parlant à voix basse d’un air effrayé.

– Vous avez une idée de la raison pour laquelle certaines femmes de cette Communauté éprouveraient le besoin de s’en échapper ? »

Thompson haussa les épaules. « Je ne suis pas sûr. C’est la vérité. Franchement, je n’en sais pas plus au sujet de cet endroit que n’importe qui que vous interrogeriez dans la rue. Je ne faisais que fabriquer et vendre ces pièces d’identité.

– Vous ne savez pas du tout ce qu’ils font ?

– La rumeur dit qu’ils pratiquent une sorte de culte polygame. Certains des hommes auraient trois ou quatre femmes. Ils sont censés être très religieux – du genre foudre du Nouveau Testament, ces trucs-là.

– Et à propos de cette femme qui vous achète les documents ? Que savez-vous d’elle ?

– Pas grand-chose. Quand elle est venue et m’a demandé si je voulais de ce petit boulot supplémentaire, l’une de ses conditions  était que je ne pose pas de questions. J’ai pensé que c’était n’importe quoi mais alors elle m’a glissé cinq cent dollars. Et écoutez-moi… j’ai bientôt soixante ans et j’ai encore des dettes. Je ne pouvais pas laisser passer autant d’argent.

– Vous ne connaissez même pas son nom ? demanda Ellington.

– Non. Désolé.

– Pouvez-vous la décrire ?

– Elle est plutôt jeune. Entre vingt-cinq et trente ans, je dirais. Jolie. Des cheveux bruns, elle porte des lunettes de vue.

– Quelque chose d’autre qui vous revient en tête ? demanda Mackenzie. N’importe quoi.

– J’ai aperçu brièvement sa voiture une fois. Elle n’était venue que trois fois alors. La seconde fois, je me suis dépêché d’aller dans l’entrée quelques secondes après elle. Je l’ai vue partir à travers la vitre. Elle se dépêchait à travers le parking et elle est montée dans sa voiture. Un modèle ancien, rouge, une berline, je crois.

– Est-ce qu’elle prend rendez-vous pour vous rencontrer ? demanda Ellington.

– Non. »

Ils continuèrent de discuter mais Mackenzie n’en écouta que des bribes. Elle se raccrochait à quelque chose que Thompson avait dit. Un modèle ancien, rouge, une berline, je crois.

Il y avait eu une voiture rouge, un modèle ancien, dans l’allée d’Amy. Une Pontiac. En temps normal, Mackenzie aurait pensé que ce n’était là guère plus qu’une coïncidence. Mais Amy s’était conduite bizarrement – elle avait eu l’air effrayé et soupçonneux. Cela valait certainement le coup de lui rendre une seconde visite.

« M. Thompson, merci beaucoup de nous avoir accordé votre temps, dit Mackenzie. Nous allons laisser tomber cette affaire de pièces d’identité mais vous devez arrêter de les fabriquer.

– Vous dites que la fille est morte, c’est ça ? Et qu’elle avait l’un de mes documents ?

– Apparemment.

– Alors j’arrête tout. Aucune somme d’argent ne vaut la peine d’être impliqué dans un truc pareil. »

Mackenzie et Ellington retournèrent à la porte. Ellington donna à Thompson l’une de ses cartes de visite avec instruction de les contacter s’il revoyait cette femme ou si elle essayait de se mettre en rapport avec lui d’une quelconque façon. Ils s’en allèrent, le laissant l’air quelque peu perturbé, peut-être réfléchissait-il au fait que le seul élément connu au sujet de la femme décédée était la fausse pièce d’identité qu’il avait fabriqué.

« Alors qu’est-ce que tu as compris tout d’un coup ? dit Ellington tandis qu’ils se dépêchaient de regagner leur voiture. Tu as mis fin si vite à la conversation et tu avais cet air bizarre sur le visage.

– Quel air ?

– Celui que tu as présentement sur le visage – comme un enfant qui vient de repérer un cadeau supplémentaire sous le sapin de Noël.

– Sa description de la voiture. Une berline de modèle ancien. Il y en avait une garée dans l’allée de l’une des maisons que j’ai visitées. Chez Amy Campbell… et elle était nerveuse. Très soupçonneuse et elle n’a jamais semblé prête à me laisser entrer.

– On dirait que nous avons peut-être là notre première piste.

– Peut-être » dit Mackenzie.

Cela semblait juste mais étant donné la nature de l’affaire et la façon dont s’était comportée Amy, elle se disait qu’ils auraient peut-être besoin de prendre un supplément de précautions pour s’assurer qu’il ne s’agissait pas juste d’une coïncidence. Elle détestait perdre du temps de cette façon mais au fond de sa tête, elle se rappelait également qu’il était possible que la Communauté soit impliquée.

Même si elle n’en avait jamais fait elle-même l’expérience, elle avait lu des études de cas et des rapports d’autres enquêtes où l’implication de groupes religieux lors d’une affaire rendait tout aussi explosif qu’une bombe à retardement. Et si elle pouvait éviter cela, Mackenzie était plus que disposée à agir par étape en prenant davantage de temps.




CHAPITRE NEUF


Ils regagnèrent le commissariat de Fellsburg, là où l’entrée était bourdonnante d’activité à cause des agents qui prenaient leur poste et ceux ayant terminé leur journée. Il était presque vingt-heures, un samedi soir, une heure animée dans n’importe quelle commissariat, peu importe où il était situé. Burke n’étant nulle part en vue, ils se dirigèrent donc vers leur espace de travail à l’arrière du bâtiment. Il aurait été tentant de simplement trouver un motel et d’arrêter pour ce soir, mais ils savaient tous deux qu’ils auraient plus facilement et plus rapidement accès aux dossiers et à d’autres informations en étant au commissariat.

La première chose qu’ils firent fut de consulter la base de donnée de la police afin d’y trouver n’importe quelles informations sur Amy Campbell. Son dossier était exemplaire, sans même une contravention pour mauvais stationnement. Voyant que tout cela n’allait clairement pas leur venir en aide, Ellington passa un appel au bureau des renseignements à Washington, demandant qu’on vérifie les antécédents d’une certaine Amy Campbell vivant à Fellsburg dans l’Utah.

Cela fait, ils reportèrent leur attention vers la mystérieuse communauté religieuse connue sous le nom de la Communauté. Il n’était pas compliqué de dénicher des renseignements à son sujet, une simple recherche Google leur fournit énormément de résultats. Le seul problème était que ces multiples résultats se ressemblaient tous. Tout ce qu’ils pouvaient affirmer était qu’il se trouvait une communauté religieuse dissimulée dans la forêt entre Fellsburg et la plus petite ville de Hoyt.

On disait qu’entre 1200 et 1500 personnes vivaient dans cette communauté. Ils occupaient une petite étendue dans les bois, consistant en des logements ressemblant à des cabanes tandis que de petits sentiers connectaient toutes les maisons entre elles, l’église et les autres bâtiments.

« Vérifions tout ça » dit Ellington en tapant sur son ordinateur portable.

Il s’était rendu dans la base de données de la police et avait trouvé deux photos. L’une était une vue aérienne, prise à partir d’un avion volant bas. Elle montrait tout le terrain occupé par la communauté. Cela rappela à Mackenzie ce qu’elle avait pu voir des communautés Amish ou Mennonite. Il y avait quelques champs de maïs à l’extrême droite du terrain, un pâturage où se trouvaient ce qu’elle pensa être des chèvres (c’était difficile à dire à cette distance) de l’autre côté.

La seconde photo était en noir et blanc, plutôt floue. Elle avait visiblement été prise par une personne en planque, qui s’était faufilée jusqu’au terrain à travers la forêt. La photo montrait deux bâtiments que Mackenzie pensa être des habitations, ainsi que quatre personnes : deux enfants et deux femmes. Les femmes étaient habillées plutôt simplement, avec des robes ordinaires, leurs cheveux relevés en queue-de-cheval.

Mackenzie continua de rechercher des informations sur cet endroit, mais il n’y avait pas grand chose d’autre à dénicher. La Communauté existait depuis la fin des années 1970 et avait gardé profil bas, ne figurant jamais dans les actualités en dehors de quelques unes locales. Si ce n’est quelques croyances religieuses excessives, ils semblaient plutôt être des personnes religieuses isolées et du genre ordinaire. Le fait qu’ils pratiquent la polygamie pouvait s’avérer plus obscur mais Mackenzie savait que mieux valait ne pas automatiquement en déduire qu’ils méritaient une surveillance plus étroite. Des agents plus expérimentés et compétents qu’elle était tombée dans ce vilain panneau.

Tandis qu’elle recherchait d’autres informations sur la Communauté, son téléphone portable se mit à vibrer sur la table à côté d’elle. Elle reconnut l’indicateur en provenance de Washington mais pas le numéro. « Agent White à l’appareil, répondit-elle.

– Agent White, c’est l’assistant-chef Manning, du bureau du Marshall. Nous avons scanné cette photo et l’avons examinée. Il y avait un angle du côté gauche qui nous a fourni une image plutôt correcte. Nous l’avons mis en lien avec la base de données du programme de protection des témoins mais sans rien trouver. Il y a quatre-vingt-dix-neuf pour cent de chance que votre femme n’en ait pas fait partie.

La déception fut forte mais passagère. Elle n’avait pas été complètement sûre que cette recherche serait prometteuse de toute façon. Mais si elle s’était avérée juste, alors cela aurait rendu l’enquête beaucoup plus facile.

« Merci quand même » dit Mackenzie en mettant fin à l’appel. Elle se tourna vers Ellington et dit : « Notre mystérieuse femme ne faisait pas partie du programme de protection des témoins.

– Ce qui rend les choses beaucoup plus compliquées. »

Mackenzie acquiesaç et referma son ordinateur portable. Elle avait lu environ vingt-cinq articles sur la Communauté et les informations commençaient à se répéter. Elle regarda en direction d’Ellington et dit : « Il n’y a pas eu une seule arrestation ou un trouble de l’ordre public en lien avec la Communauté ?

– Rien dans la base de données de la police depuis les vingt dernières années.

– Je me demande si Burke a des histoires à ce sujet, ou des rumeurs qui pourraient nous servir. »

Avant qu’ils ne puissent poursuivre cette discussion, son téléphone sonna de nouveau. Cette fois l’interruption fut de courte durée – un SMS au lieu d’un appel. Elle prit rapidement son téléphone et fulmina aussitôt en voyant qu’il provenait de sa mère.

Je ne savais pas trop si l’heure était trop tardive pour toi, disait le message. Tu peux me rappeler ?

« Elli… je vais tuer ma mère.

– Si quelqu’un m’interroge, je dirais que j’ai essayé de t’en dissuader. Mais… quand ? »

Elle roula des yeux vers lui, lui faisant savoir que ce n’était pas le moment de plaisanter à ce sujet. Elle faillit presque ignorer le message : elle avait suffisamment de quoi s’inquiéter comme ça. Mais elle savait que si elle ne répondait pas, sa mère continuerait d’envoyer des messages jusqu’à ce que Mackenzie cède. En plus, il était possible qu’elle ait réellement une question légitime à poser concernant les besoins de Kevin.

Elle appela sa mère, s’écartant de la table. Même cette mince séparation entre son travail et la maison lui donna en quelque sorte l’impression de retrouver son rôle de mère.

Elle ne fut pas surprise que Patricia White décroche aussitôt. Elle parla en chuchotant. Mackenzie pouvait l’imaginer retranchée dans le bureau d’Ellington ou dans la chambre d’ami afin que Frances ne puisse l’entendre.

« Merci de m’appeler, dit Patricia.

– Kevin va bien ?

– Oui.

– L’appartement est toujours en un seul morceau ?

– Bien… bien entendu. Mackenzie…

– Alors que se passe-t-il cette fois, Maman ? »

Il y eut un instant de silence à l’autre bout de la ligne, rapidement interrompu par les plaintes de sa mère. « Je ne comprends pas. Nous avions passé un si bon après-midi hier. Nous nous entendions bien, avons très bien mangé et j’ai eu l’impression que toi et moi étions de nouveau liées.

– J’ai eu la même impression. Mais c’est la seconde fois que tu m’appelles pendant que j’essaie de travailler. Et je te le jure, si l’unique raison est de critiquer ce que Frances a fait…

– Eh bien, que suis-je censée faire ? Elle remet en cause tout ce que je fais ou dis. Et c’est déjà suffisamment difficile que Kevin la préfère…

– Il la préfère parce qu’il la connaît mieux. Et Maman, tu es sûre qu’elle remet en cause tout ce que tu dis ou fait, ou est-ce qu’elle n’essaie pas juste de te donner des conseils ou des suggestions sur la meilleure façon de faire plaisir au petit, étant donné qu’elle le connaît mieux que toi ?

– Peut-être que tout cela était une erreur.

– Quoi ? De faire enfin connaissance avec ton petit-fils ?

– En partie. Mais pas uniquement ça. C’est juste… »

Mackenzie ne se sentait pas mal pour sa mère… pas du tout. Mais elle savait aussi que si sa mère recommençait à prendre de mauvaises décisions et à fréquenter les mauvais endroits auxquels elle avait été habituée au cours des dix dernières années de sa vie, elle atteindrait peut-être le point de non retour. Mackenzie se trouvait donc en proie à un dilemme : devait-elle dire à sa mère ce qu’il lui fallait entendre ou devait-elle tenter de l’apaiser ?

Même si Mackenzie détestait cela, elle se dit que mieux valait l’apaiser.

« Maman, je vais te demander une faveur. J’ai besoin que tu t’accroches et que tu restes là. Tiens bon jusqu’à ce qu’on rentre. Et tu sais quoi ? Ne le fais même pas pour moi. Fais-le pour Kevin. Tu veux mieux le connaître ? Alors reste. Donne-lui une raison de se souvenir de toi. »

Il y eut un rire nerveux à l’autre bout du fil. « Tu as raison, dit-elle. C’était stupide de ma part de venir ici pour laisser tomber juste à cause d’une chose pareille et de retourner à l’hôtel.

– C’est toi qui as parlé de ça, pas moi.

– Désolé de t’avoir dérangée.

– C’est bon… mais fais en sorte de ne plus essayer de m’appeler ou de m’envoyer de messages à moins qu’il ne se passe quelque chose de grave.

– C’est ce que je ferai. Bonne nuit, Mackenzie. »

Elles raccrochèrent et Mackenzie ravala les diverses émotions qui semblaient toutes lutter pour prendre le contrôle sur elle. Elle ressentait de la colère, de la tristesse, de la pitié. Elle ne put se décider pour une en particulier et décida donc d’opter pour une calme indifférence.

« L’une d’elles a déjà passé l’arme à gauche ? demanda Ellington.

– Non, pas encore. » Elle regarda vers la table – vers les ordinateurs portables et les rapports de police – et se releva. « Tu veux qu’on sorte d’ici ?

– Entendu. »

Ils mirent de l’ordre sur leur bureau, rangèrent leurs ordinateurs portables dans leurs sacs et regagnèrent l’entrée. En chemin, ils furent une nouvelle fois interrompus par la vibration d’un de leurs téléphones. Celui d’Ellington cette fois. Il répondit tandis qu’ils passaient la porte de l’entrée pour rejoindre le parking. Mackenzie écouta sa propre moitié de la conversation, n’étant pas sûre de qui c’était ni de quoi il était question.




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